
Le Maroc en Niva
Comme pour toute expédition « lointaine », la première des choses à faire est de préparer sa monture.
J'ai donc fait une très bonne révision à ma Niva, en changeant bon nombre de pièces, je me suis mis à l'abri de soucis.
Mieux vaut faire la mécanique avant de partir que pendant le voyage.
La Niva chargée, je me rends à Barcelone pour y rencontrer les autres participants.
Maryline et Bjorn (Niva 1600), Helena et Toni (Niva 1600), Mercé et Enric (Niva 1700 carbu), plus tard sur la route, Yolanda et JuanJo (Niva 1600) nous ont rejoints.
La traversée de l'Espagne s'est passée sans encombre jusqu'à l'embarquement à Almeria.
Arrivé à Melillia vers les 6-7 heures, on cherche à faire le plein d'essence. Dans nos recherches on rencontre une voiture de police, on explique ce que l'on cherche et là, on se fait escorter par la voiture de police jusque vers la seule pompe à essence ouverte le dimanche matin.
Sympa les flics espagnols !
Le passage de la frontière espagnole s'est fait sans difficulté, ce qui n'a pas été le cas pour entrer au Maroc !
« C'est l'Afrique ici », m'a dit un gars quand j'ai fait la remarque que c'était aux douaniers et à la police de vérifier les papiers !
Bien que le passage de la frontière paraisse très compliqué au premier abord, il n'en est rien, c'est simplement le résultat d'une désorganisation poussée à l'extrême.
En gros, il faut garer le véhicule, aller à pied dans un bureau, là ils donnent des papiers, il faut les remplir et aller dans un autre guichet, là ils en gardent une partie et tamponnent le passeport, ensuite il faut retourner au premier guichet où ils prennent les papiers et le passeport, ensuite un gars revient nous les rendre et nous dire « Bon
voyage ! ».
Tout cela dans une ambiance de souk avec de gens partout qui donnent des conseils, se proposent d'aider contre quelque pièces, d'autres passagers perdus, des mendiants, des flics, des vendeurs de n'importe quoi, etc.
Ensuite la douane. Là un douanier un peu nerveux s'est déridé quand je lui ai dit « Bonjour », il m'a demandé
« Ça va ? » j'ai répondu « En vacances, moi, ça va toujours. ».
Et nous voilà au Maroc.
Premier jour, balade sympa pour s'éloigner de la côte, quelques courses le soir pour le bivouac et notre premier campement dans le désert.
On aurait dû bivouaquer plus loin mais la perte de la piste plus un ensablement nous a cloués dans une plaine immense, loin de tout.
Au petit matin un camionneur fait un détour pour venir nous saluer et en même temps s'excuser de la rotation des camions si tôt le matin.
« C'est à cause du ramadan, on commence très tôt »,
nous explique-t-il.
Premier départ.
Il faut trouver une piste qui entre dans un oued. En fait l'oued c'est la piste. A peine partis, Enric nous annonce à la CB qu'il a un problème technique, un tirant de pont cassé.
Comme par hasard il en avait un de rechange, la réparation ne dure pas bien longtemps.
On trouve cette piste et nous voilà dans l'oued à faire les fous, c'est à celui qui fera sauter sa Niva le plus haut en montant les bancs de sable.
A un moment où il fallait que je change très rapidement de rapport pour ne pas m'ensabler, le levier de la boîte de vitesses s'est bloqué !
La voiture à moitié enfoncée dans le sable dans une montée,
je voyais mal la suite du voyage.
Puis la Niva a eu l'excellente idée de s'auto réparer, quelques minutes après, tout redevenait normal, le problème n'est plus réapparu de tout le voyage.
Puis plusieurs pistes et nous voilà dans le désert.
Jour après jour on avançait, pistes de cailloux, de sable, de dunes, de lacs asséchés où l'on pouvait rouler à toute allure dans n'importe quel sens, des montagnes rocailleuses où la moindre petite erreur de conduite pouvait être fatale aux pneumatiques.
On avait prévu d'emprunter une piste « interdite » qui longe la frontière Algéro-Marocaine, on s'est dit, on y va et on verra bien.
Juste au début de la piste un poste militaire avancé, un militaire vient à notre rencontre, nous salue et nous dit que c'est la piste du Paris Dakar et qu'on allait bien s'amuser.
Et il avait raison.
En fait, là, ce n'est pas une piste mais un passage aussi large que long. Le sol est assez plat où je me suis permis une petite pointe à 110 km/h ! Vraiment très agréable ce passage, on roulait côte à côte
ou en décalé tous ensemble.
C'est sur cette piste que Bjorn a laissé un silentbloc d'amortisseur arrière, là aussi la réparation ne dura pas bien longtemps.
Plus tard on bivouaque pas bien loin d'un autre poste militaire toujours à proximité de la frontière. Là, la nuit tombée une patrouille vient nous souhaiter une bonne nuit et de bonnes vacances.
Le lendemain, après avoir traversé des paysages de film western, on est arrivé dans un bled paumé. On y trouve un commerce peu banal, il a tout ce dont nous avons besoin.
L'essence, avant de nous la vendre il nous la montre, on pourrait presque la goûter. Evidemment pas de pompe automatique mais siphonage dans un tonneau. Je lui demande de me rendre la monnaie sous forme de bouteilles d'eau. Avec une consommation de 5 litres d'eau par jour et par personne il faut des réserves.
Tout le village était là, c'était la fête, « c'est le cirque » m'a dit Enric. Il y a même eu un petit marché organisé en vitesse !
Après avoir fini nos courses, le tenancier de l'unique commerce du bled nous invita à prendre le thé, malheureusement pas le temps et vu le temps et l'incertitude des pistes on est repartis juste après.
La température extérieure était d'environ 40-45°C, les Niva chauffaient un peu, la température du liquide de refroidissement restait à plus de 120°C, surtout dans le sable où il faut rouler assez vite et en pleine puissance. Je roulais en courtes et passais fréquemment de la 1re à la 5e selon la tenue du sable.
Le moteur tournait parfois à plus de 4500 tours/minutes !
Un jour, après avoir roulé quelques kilomètres sur un lac asséché, on a passé toute une zone sablonneuse dans le fond d'une vallée.
Là la conduite était assez amusante mais demandait un effort considérable à nos pauvres Niva. On pouvait
jouer à saute mouton sur de petites dunes bien marrantes et surtout apprendre à ne pas faire de fausses manoeuvres car vu
le manque de puissance des Niva et la profondeur du sable, le passage des vitesses devait se faire en moins d'une seconde sinon c'était plantage assuré !
C'est là que Bjorn m'a avoué que les changements de vitesses était pour lui un moment de stress intense.
Sur cette même piste on a vu un hélicoptère posé sur le bord de la piste. Plusieurs minutes après, il nous a surpris en nous survolant à moins de 5 m de hauteur !
Déjà que la conduite était difficile alors là, on a tous été pétrifiés par ce bruit qu'on pensait évidemment venir de notre Niva.
Sacré farceur ce pilote ;-)
Puis de piste en piste on est arrivés sur la côte Ouest.
Sur un bouquin il était indiqué une piste le long d'une grande plage assez proche d'une ville. On avait bien envie d'y faire une petite virée, mais arrivé sur place, on a vu un poste de gendarmerie.
Je conseille à Bjorn d'aller carrément demander aux gendarmes si on peut y aller ou pas. La réponse fut négative, « On peut rouler sur les plages, mais pas ici » lui ont-ils répondu.
Ce qui nous a fait faire quelques kilomètres de plus pour pouvoir jouer au sable sur le bord de l'océan et bivouaquer à moins de 10 m de l’eau.
On a traversé des villages moyenâgeux à toit plat et sol terreux, parfois abandonnés, parfois habités. Le dépaysement est total, on se croirait dans un autre âge, comme si on avait remonté le temps de 5 siècles. Les habitants sont la plupart du temps accueillants, curieux, étonnés de nous voir là et souvent nous demandent quelques babioles.
Les mots qui reviennent souvent sont : stylo, caramel, bonbon, t-shirt, casquette…
Il suffit d'en avoir un bon stock pour se transformer en père Noël. En général tout le monde nous salue, du tout petit au plus âgé, c'est très souvent attendrissant même si parfois c'est un peu éprouvant.
La circulation sur les pistes ou dans le désert n'est pas compliquée, il suffit de savoir où l'on veut aller et bien regarder où l'ont met les roues. Par contre, plus la taille de la route augmente et plus les difficultés vont croissant ! Il n'est pas rare de voir en même temps sur une route piétons, vélos, enfants, ânes, moutons,
voitures, camions, mobylettes, poules, charrettes etc ! J'ai même vu des gars assis en train de discuter sur le mur séparant les deux chaussées de l'autoroute !
Mais la palme de l'inconscience revient aux flics, qui après avoir arrêté une voiture ou un camion vont discuter avec le conducteur, tournant le dos aux voitures et empiétant sur la voie roulante. C'est sûr que pour nous qui sommes habitués à une législation hyper répressive, on a l'impression d'être arrivé dans le pays de la liberté.
Le voyage a duré une quinzaine de jours, presque 7000 km, dont une bonne moitié hors route.
Les Niva m'ont impressionné, pratiquement pas de panne, je n'ai ouvert le capot que pour sortir et ranger ma CB ! J'ai même fait 1600 km sur autoroute pour rentrer et ça en 17 heures.
Une chose est sûre, je ne dirai plus que les Niva sont des véhicules fragiles ou peu fiables. En fait la chose à ne jamais faire sur une Niva c'est de la bricole.
Pour illustrer mon propos, je citerai la Niva de Bjorn, une 1600 de 91 avec bientôt 100 000 km. Pratiquement tout est d'origine sauf les suspensions. La consommation sur autoroute à vitesse 80-100 km/h est à peine supérieure à ma monopoint, c'est à dire 9 à 9,5 litres au cent !
Ne se désamorce pas dans les montées ni les descentes, démarre au quart de tour, ralenti impeccable, absolument aucun souci pendant tout le voyage.
Peut-être un exemple à suivre ???
Le retour vers l'Espagne s'est fait par Gibraltar, un choix de dernière minute. La dernière nuit a été passée dans un camping juste après le débarquement.
Ce voyage m'a fait re-découvrir tant de choses que je connaissais un peu par mes anciens voyages, j'ai pu admirer des paysages magnifiques, grandioses, où l'on se rend compte encore une fois que l'on est si petit dans cette nature immense.
J’ai découvert que le désert marocain est bien plus grand que ce que je croyais. Mercé m'a dit « Je ne pensais pas que le désert au Maroc était si grand. ». Moi non plus.
En plus d'avoir vécu des moments très agréables à bord de ma Niva, j'ai pu partager des moments conviviaux avec toute l'équipe, parfois l'aide d'un traducteur ou traductrice était nécessaire mais c'était toujours dans la bonne humeur.
Je remercie toute l'équipe de Nivamania pour leur invitation et leur sympathie.
Et je suis prêt pour une prochaine aventure, la Mauritanie, la Libye ???

